OUYANG XIU

OUYANG XIU
OUYANG XIU

Le XIe siècle représente le début d’une ère nouvelle en Chine l’aube de ce qu’on appelle l’Âge moderne. Animé, dans tous les domaines, d’une énergie débordante et créatrice, il abonde en grandes figures: aucune n’est plus grande, plus féconde ou plus attachante, aucune n’a contribué davantage au patrimoine chinois que Ouyang Xiu, haut fonctionnaire, historiographe méticuleux et poète novateur.

La réforme administrative

Les Ouyang, de condition modeste, étaient originaires de Luling dans le Jiangxi, en Chine méridionale, devenu récemment le centre économique du pays.

Ouyang Xiu, enfant précoce, appartient à une classe d’hommes nouveaux qui allaient s’imposer à l’aristocratie bureaucratique des hommes du Nord inféodés dans les plus hauts postes du gouvernement central depuis le début de la dynastie. Docteur (jinshi ) en 1030, il s’aligna très vite du côté de ceux, pour la plupart sudistes et hommes nouveaux comme lui, qui luttaient pour une réforme administrative. L’inertie des traditionalistes au pouvoir avait laissé se multiplier les abus dans les administrations locales et avait fait adopter une politique défaitiste vis-à-vis des royaumes barbares limitrophes. Avec ses supérieurs hiérarchiques, Fan Zhongyan (989-1052) et Han Qi (1008-1075), il essaya en 1043 de promouvoir un programme de réforme (la «petite réforme»). Un manque de doigté politique fit tomber les réformistes, accusés de «factionnalisme», un an plus tard. Ouyang Xiu, calomnié, fut rélégué à des postes provinciaux où il resta pendant dix ans. Sa faction rentra au pouvoir en 1061, avec Ouyang Xiu lui-même comme une des plus hautes personnalités du gouvernement. Les «réformistes» se montrent alors bien assagis, mais ils ne savent garder le pouvoir que cinq ans. Ouyang Xiu passera les cinq dernières années de sa vie dans des postes provinciaux et dans la retraite, voyant avec désapprobation le début de la «grande réforme» de son protégé Wang Anshi (1021-1086).

Un historiographe rigoureux

Pendant ses périodes de retraite, Ouyang Xiu s’est livré à des études fructueuses. Son œuvre complète, compilée par son fils cadet Ouyang Fei et son disciple Su Shi (1037-1101), comporte cent cinquante-trois volumes (juan ). La simple énumération de ses réussites est éloquente.

Son recueil de plus de quatre cents inscriptions datant des deux millénaires de l’histoire chinoise qui ont précédé les Song, le Jigu lu (terminé vers 1061, en dix volumes, avec additions ultérieures), est le plus ancien recueil épigraphique existant dans le monde entier. Ouyang Xiu avait recueilli un millier de volumes de matériaux pour le composer; il contient des notices et des remarques philologiques d’une remarquable rigueur scientifique. Ouyang Xiu joua un rôle important dans la compilation de la bibliographie impériale Chongwen zongmu , présentée à l’empereur en 1042 et révisée sous l’autorité de Ouyang Xiu de 1061 à 1062. Il faut surtout porter à son crédit la rédaction de deux histoires dynastiques. Le Xin Wudai shi , la seule des vingt-quatre histoires dynastiques écrite par un particulier depuis le VIe siècle, est entièrement de sa main. Les annales impériales, les monographies et les tableaux du Xin Tang shu , achevé en 1060, ont été pour leur majeure partie réalisés par lui.

Certains principes historiographiques, tels qu’ils peuvent ressortir de son œuvre, ont influencé ses successeurs, surtout les théories sur la légitimité du pouvoir dynastique – zhengtong lun –, bien plus objectives et rationnelles que celles de ses prédécesseurs, ainsi que son parti pris moral, soulignant fortement les fautes comme les vertus des personnages historiques. Il fixa la forme définitive des généalogies familiales – jiapu –, qui jouèrent un assez grand rôle dans la Chine moderne et qui se révèlent maintenant une source historique de grande valeur.

Un style original

Malgré ses réussites impressionnnates dans les domaines de l’histoire et de la philologie canonique, Ouyang Xiu est surtout connu comme homme de lettres. C’est en très grande partie grâce à l’excellence de ses écrits que la prose appelée «style ancien» (guwen ) s’est imposée au «style courant» (shiwen ) hérité du «style parallèle» (pianwen ) du Moyen Âge et est restée la forme de prose normale pour les lettrés jusqu’au début du XXe siècle. Son importance dans l’histoire de la poésie régulière (shi ) est aussi très grande. En s’opposant au style xi kun de la fin des Tang, «c’est lui qui jeta les bases de la poésie Song [...] Lire ses (plus de huit cents) poèmes dans l’ordre chronologique, c’est non seulement voir la maturation d’un artiste, mais aussi la naissance d’un style poétique entièrement nouveau» (Yoshikawa). C’est encore Ouyang Xiu qui écrivit le premier recueil de «causeries sur la poésie» – shihua –, donnant naissance à un genre de critique littéraire qui allait connaître un grand destin. Ce n’est peut-être que comme écrivain des ci , poésies chantée en vers irréguliers, qu’il montre moins d’originalité. De ses deux recueils de ci, Liuyi ci et Zuiwong qinqu waipian – près de 250 ci en tout –, le premier, composé de ci simples et directs, est l’héritier des poèmes des Cinq Dynasties, mais le deuxième contient des ci d’une facture très différente. Rempli de locutions en langue vulgaire et de sentiments érotiques, il est bien plus original et appartiendrait à l’école de son contemporain Liu Yong. La critique chinoise semble de plus en plus disposée à admirer le dernier recueil plus que le premier et à le trouver authentique, en opposition aux avis des critiques traditionnels qui ont refusé de croire qu’un confucianiste puisse se livrer à la composition de pièces aussi «frivoles» et «licencieuses».

Mais le confucianisme de Ouyang Xiu est à l’image de l’homme, un homme plein de vitalité créatrice, ouvert à tout et à tous (le chef de file du parti conservateur aussi bien que celui du parti novateur, Su Shi et Wang Anshi, qui animaient l’histoire politique des Song du Nord, se disaient tous deux ses disciples). C’était un rationaliste effréné, un antibouddhiste farouche qui pourtant gardait des amis bonzes et n’était pas insensible à la religion: on raconte qu’il fut un jour si envoûté par l’excellence du sermon d’un prédicateur de talent qu’il ne voulut pas partir. Trop franc pour rester longtemps au pouvoir, trop «engagé» pour être un historien parfaitement impartial, il a donné le meilleur de lui-même dans sa poésie et surtout dans sa prose; celle-ci garde aujourd’hui une fraîcheur, une force et une limpidité presque sans pareilles dans le grand patrimoine littéraire chinois.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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